30
Mars
2012
Les prétendantes au Prix des Lilas 2012
Zoom sur les sept romancières sélectionnées pour le prix de la Closerie des Lilas, dont la lauréate sera dévoilée le 3 avril.
Marie-Sabine Roger : 54 ans, bordelaise de naissance, gardoise d'adoption. Institutrice à ses débuts, aujourd'hui romancière à plein-temps - des centaines de textes pour enfants et jeunes portent sa signature.
Sa dernière histoire, simple et délicieuse, se déroule dans la petite chambre blanche d'un hôpital. Sur son lit de rescapé, un dénommé Fabre, veuf, sans enfant, un rien misanthrope et cassé de partout après avoir été mystérieusement éjecté d'un pont par un automobiliste discret. Quelques rares visiteurs (un flic sans père, son jeune sauveur, "tapineur occasionnel", une ado revêche) viennent le distraire de ses tentatives d'autobiographie. Le ton est juste, savoureux, jamais niais. Du grand art.
Caroline Boidé : Jeune femme de 30 ans, née d'une mère juive d'Algérie et d'un père originaire de France.
Les Impurs, surfe avec délicatesse sur le thème, toujours sensible, des difficiles amours entre jeunes de religions différentes. C'est en Algérie, dans les années 1950, que se noue la fiévreuse passion de David et Malek. Lui est juif et ébéniste, elle est musulmane et grande lectrice. Ils s'aiment en cachette. Mais si Malek s'est rebellée contre sa famille et les traditions, David, plus lâche, finit par mettre fin au "péché". Tandis qu'autour d'eux, alors que gronde la guerre civile, se creuse un fossé entre leurs communautés...
Sybille Grimbert : Née en 1967 à Paris, elle a déboulé sur la scène littéraire en 2000 avec Birth Days, roman sur l'identité éclatée, qui connut un succès d'estime. Après Il n'y a pas de secret, Toute une affaire ou encore Le vent tourne, voici son huitième roman.
Dans La Conquête du monde, c'est Ludovic, brillant avocat, qui perd les pédales. Une histoire stupide de bout de salade entre les dents, un mot malheureux, et l'édifice s'affaisse, les gaffes et les déconvenues s'accumulent. Et sont narrées avec une plume aussi narquoise que jubilatoire.
Nathalie Léger : Directrice adjointe de l'Imec (Institut Mémoires de l'édition contemporaine), a déjà signé deux petits essais, très singuliers, sur Samuel Beckett et sur la comtesse de Castiglione. Son troisième livre, Supplément à la vie de Barbara Loden, est l'un des succès critiques du début d'année.
Nathalie Léger va se passionner plus que prévu pour son sujet : Barbara Loden (1932-1980). Epouse du cinéaste Elia Kazan, celle-ci est aussi la réalisatrice d'un unique long-métrage, Wanda (1970), sur le destin, bien réel, d'une femme, mêlée à un hold-up raté. Toutes ces figures féminines s'entrecroisent alors comme des poupées gigognes, dressant au final un saisissant autoportrait...
Nathalie Kuperman : 49 ans, écrit des romans pour les enfants comme pour les adultes. Des histoires imaginées selon les hasards de la vie. Le destin, justement, a voulu qu'elle se retrouve privée d'emploi en 2009 à la suite de la vente des éditions Fleurus. Cette plongée dans la précarité lui a inspiré Nous étions des êtres vivants, publié en 2010.
Ce roman largement autobiographique mêle avec un incroyable talent le social et l'intime, le réel et la fiction. Marianne, une graphiste entre deux jobs, retrouve par hasard Martine, l'une de ses cousines, et se décide à écrire sur sa vie. Une vie sur un fil rongé par la pauvreté et l'alcool. Le récit pourrait sombrer dans le sordide, il est sauvé par une lucidité absolue et un humour détonant.
Elisabeth Laureau-Daull : Professeur de lettres et de philosophie, elle est l'auteur de documents consacrés notamment à Pasteur ou à Gutenberg. Elle s'est déjà essayée à la fiction avec Le jour où Marx a craqué, où elle raconte la naissance du marxisme dans un récit à la fois drôle et documenté.
Le Syndrome de glissement - mi-fiction, mi-reportage - est une magnifique ode à la vie. Julienne, vieille dame de 85 ans, pose un jour ses valises aux Mouettes, une maison de retraite choisie après une minutieuse enquête. Malgré cela, elle déchante vite, heurtée par l'indifférence (voire la méchanceté) du directeur et des médecins. Mais Julienne est une battante, une femme forte et libre. Elle fait de la résistance et organise avec les autres pensionnaires une fronde contre le personnel. Un récit qui balance entre humour, détresse et courage, ce qui lui donne tout son rythme et son émotion.
Florence Chapiro : Normalienne, professeur de littérature française. Elle a écrit sur les thèmes du mal et de la justice, et se passionne aussi pour les écrivains des Lumières, préfaçant des textes de Diderot et de Voltaire. Mais ce cursus classique ne l'a pas empêchée de se tourner vers le roman. La preuve avec ces Favorites.
L'intrigue, de facture classique, est un petit bijou de psychologie féminine. Le pitch ? Un homme - peintre reconnu - meurt en laissant quatre femmes désespérées. Son épouse, sa maîtresse, sa muse et son élève, qui, évidemment, se détestent mais sont obligées de s'entendre pour respecter ses dernières volontés. La cérémonie au cimetière et celle du partage de ses oeuvres sont autant de scènes cruelles et hilarantes, mais tout l'intérêt du livre réside dans une savante juxtaposition des sentiments, du chagrin à la jalousie, de la guerre ouverte à la solidarité.
(source : L'Express)